3 questions à Sandrine-Pia Casto, guide Terres d’Aventure au Panama
Arrivée comme attachée culturelle à l’ambassade de France au Panama il y a 20 ans, Sandrine-Pia Casto a naturellement tissé des liens privilégiés avec les différentes ethnies indigènes du pays qui lui voue un profond respect et lui ont donné le surnom affectueux de « Guna blanche ».
Aventurière dans l'âme, elle ne se lasse pas de parcourir le pays pour dénicher des endroits secrets et vivre des expériences uniques d'échanges et de découverte. Rencontre.
A la frontière entre Panama et Colombie, l'épaisse jungle du Darién est l'un des écosystèmes les plus variés d'Amérique, quels animaux peut-on observer ?
Le fameux « bouchon » de Darién est le dernier refuge de la forêt tropicale primaire panaméenne, regroupant plus de 10 types de végétations et possédant une faune riche en biodiversité. C'est pour ces raisons que le second poumon naturel des Amériques (après l'Amazonie) est inscrit au patrimoine mondial de l'UNESCO depuis 1981, et reconnu en tant que réserve de biosphère en 1983. Il compte plus de 400 espèces d'oiseaux dont le plus célèbre est sans aucun doute le majestueux aigle harpie, l'un des rapaces les plus grands et les plus puissants du monde, et le perroquet guacamaya aux couleurs flamboyantes. On peut aussi observer dans cette forêt préservée plus de 70 espèces d'amphibiens, 80 espèces de reptiles, 6 espèces de singes, mais aussi parmi les grands mammifères le tapir, et 5 types de félins dont le jaguar et le puma.
Le Darién abrite le peuple Emberá, l'une des six communautés indigènes du Panama, pouvez-vous nous en dire plus sur cette ethnie ?
Pour mettre davantage en lumière ce peuple fascinant, c'est du côté de la lune qu'il faut regarder. Mais quel rapport me direz-vous avec les Emberás ? Il faut remonter 50 ans en arrière, au premier pas posé sur la lune par Neil Amstrong. C'est en effet un cacique Emberá du nom de Manuel Antonio Zarco qui a soumis ces valeureux astronautes à un entrainement de survie au Panama. En Europe, la personne qui décrit sans doute le mieux le peuple Emberá, c'est l'écrivain, Jean-Marie Le Clézio, car il a partagé des moments de vie avec eux il y a presque 50 ans maintenant, au début des années 70. C'est ainsi qu'il décrit ce peuple attachant et son habitat : « La plongée dans l'univers amérindien, dans la forêt du Darién panaméen, que j'ai faite dans les années 1970, a été un choc très violent, qui m'a laissé muet pendant des années. Tout était si différent, si empli de grâce ». C'est à une habitante du Darién, la conteuse Elvira, qu'il a dédié son prix Nobel de littérature en 2008.
Les Indiens Guna, qui habitent l'archipel des San Blas, ont aussi gardé leurs traditions ancestrales, quelles sont-elles ?
Contrairement à leurs frères ennemis que nous venons d'évoquer, les Indiens Guna vivent plutôt en contact avec la mer, même si la terre ferme est sacrée et représente la Tierra Madre. Qu'ils s'agissent des Guna devenus citadins ou de ceux vivant encore dans leur région autonome, il y a des cérémonies qui perdurent. Les rites de passages correspondent à des moments importants de la vie ; c'est le cas par exemple de la cérémonie de la puberté (inna mutikis) encore pratiquée.
C'est au sein d'une petite hutte sans toit, construite pour l'occasion, entourée d'un mur végétal composé de feuille de palme et de bambous, que pendant quatre jours, la jeune fille va vivre. Elle sera arrosée d'eau de mer provenant d'une pirogue miniature (ulu) par les femmes de la famille, puis ses cheveux longs seront coupés, enfin elle sera enduite de l'encre noire provenant d'un fruit, la jagua. Pendant ce temps les villageois auront préparé la boisson alcoolisée à base de canne à sucre grâce à laquelle cette célébration culminera. En effet, le village entier est invité à s'enivrer jusqu'à la dernière goutte de cette chicha fuerte, une boisson fermentée traditionnelle (inna).