Marie-Julie Gagnon : sur le même tempo
La baroudeuse québécoise Marie-Julie Gagnon parcourt la planète pour son site Taxi-Brousse et divers médias. Dès qu’elle le peut, cette « technomade », ainsi qu’elle se définit, s’envole avec sa fille Maya Kaloo, âgée de 12 ans.
Le duo est parti avec Terres d'Aventure au Costa Rica et en Tanzanie pour tester les voyages en famille. Interview.
— Terres d'Aventure : Vous partez souvent à l'autre bout du monde avec votre fille ?
Marie-Julie Gagnon : À 3 ans, elle était déjà montée à bord de 25 avions ! Nous l'avions notamment emmenée à Taïwan, une île importante pour son père et moi : c'est là que nous nous étions rencontrés. Depuis Montréal, notre camp de base à tous les trois, j'embarque Maya Kaloo dans mes "explorations" trois à cinq fois par an. À 12 ans, elle affiche déjà 24 pays au compteur. Nous sommes parties avec Terres d'Aventure en voyages famille au Costa Rica en 2015 et en Tanzanie en 2017, deux expériences fabuleuses.
— T.A. : Son prénom, Maya Kaloo, est déjà une invitation au voyage...
M-J.G. : Mon mari et moi voulions qu'il soit prononçable dans toutes les langues. J'étais enceinte de 3 mois quand nous avons visité le Mexique, où la civilisation maya nous avait fascinés. Voilà pour la première partie. Quant à Kaloo, c'est le surnom de sa grand-mère du Sénégal, le pays de son père.
— T.A. : Votre expérience pour tenir le bon rythme avec un enfant ?
M-J.G. : J'essaie de ne pas surcharger l'emploi du temps en laissant des plages de repos, tant pour elle que pour moi ! On ne visite pas quatre musées en une journée... Au Costa Rica, j'ai trouvé incroyablement bien ajusté le dosage entre les temps de repos et de découverte. Un jour où notre guide a senti que les enfants étaient fatigués, nous sommes restés plus longtemps que prévu sur une plage paradisiaque, où ils s'amusaient comme des fous. J'ai apprécié cette flexibilité.
— T.A. : Vous appuyez parfois sur la touche « Pause » ?
M-J.G. : Dans la réserve biologique de Tirimbina, au Costa Rica, je me souviens d'une longue session à observer de gigantesques fourmis "balles de fusil" en train de couper des feuilles, qu'elles transportent par morceaux. Ces insectes doivent leur nom à leur morsure qui donne l'impression d'avoir été blessé par un coup de feu ! Parents et enfants étaient fascinés. Le guide distillait une foule d'informations au fil des pas, de façon ludique et pédagogique. Cette balade s'est terminée par un atelier chocolat, ma deuxième passion avec les voyages. Après avoir étudié les différentes étapes de la formation d'une fève, nous avons appris à préparer une pâte de cacao selon la méthode amérindienne millénaire. Une pause assez savoureuse...
— T.A. : En revanche, d'autres moments semblent vécus en accéléré ?
M-J.G. : Au Costa Rica, il n'a pas fallu une demi-heure aux enfants du groupe pour qu'ils deviennent les meilleurs amis du monde ! Leur complicité est devenue un voyage dans le voyage, très intense. Nous étions un petit groupe, trois familles dont quatre enfants au total, dans un seul véhicule. Une belle harmonie a régné pendant deux semaines. À la fin, Maya se comportait avec l'aîné de la troupe comme si c'était son grand frère.
— T.A. : La présence de plusieurs enfants change le tempo ?
M-J.G. : Un effet d'entraînement les stimule et rend moins difficiles les coups de fatigue. Ils retrouvent vite du plaisir en jouant. Par ailleurs, le contact se crée naturellement avec les autres enfants, facilitant la rencontre pour tout le groupe. C'était particulièrement fort dans les villages masaïs, en Tanzanie.
On pense qu'on va leur apprendre des choses en les emmenant en voyage, mais ce sont eux qui nous ouvrent des portes.
Leur présence me donne l'impression de vivre des expériences plus authentiques. Des barrières tombent, la méfiance aussi. Et à travers les yeux de ma fille, je retrouve cette liberté qui m'est si chère...
— T.A. : C'est une autre allure que celle du reste de l'année ?
M-J.G. : Voyager en famille permet de passer du temps ensemble sans le stress du quotidien, particulièrement avec ce format de Terres d'Aventure qui nous décharge de l'aspect logistique. J'ai l'impression d'être une meilleure personne en voyage, et aussi une meilleure mère. J'ai les sens en éveil et l'envie de tout découvrir : le fait de me sentir aussi bien favorise un climat plus détendu !
— T.A. : Maya a, elle aussi, les sens en éveil ?
M-J.G. : Oui, d'autant qu'elle tient un journal et fait des vidéos pour le site Internet de Télé-Québec. Se lever à l'aube pour capter une plus jolie lumière ne la rebute pas ! Lors d'une randonnée au Costa Rica, nous nous sommes rendu compte, avec le guide, que son sac à dos était devenu très lourd : elle s'était lancée dans une collection de roches. Nous avons bien sûr retiré les plus grosses...
— T.A. : Comment lui présentez-vous l'aventure, en amont ?
M-J.G. : Je montre à Maya où l'on va sur une carte et je lui décris le programme, tout en gardant des surprises ! Depuis qu'elle a 8 ans, elle fait elle-même sa valise, en tâchant de ne pas oublier sa crème solaire ou son répulsif anti-moustiques. Ce rituel devrait la préparer à voyager seule plus tard.
— T.A. : Les préparatifs sont-ils plus contraignants avec un enfant ?
M-J.G. : Assurément. Il faut veiller au bon équipement, surtout aux chaussures pourqu'il n'ait pas mal aux pieds, tant pis s'il faut réinvestir à chaque changement de taille. J'emporte tout un arsenal de médicaments et de pansements, ainsi qu'un stock de barres de céréales, de fruits secs et de chewing-gum. Chaque matin, il faut prévoir plus d'eau. Si j'ai longtemps bourlingué avec une certaine insouciance, je deviens celle qui pense à tout. Je me préoccupe de son bien-être mais aussi du mien, par ricochet, afin d'éviter d'avoir à supporter des plaintes interminables !
— T.A. : Au retour, de quelle façon poursuivez-vous le voyage ?
M-J.G. : Maya mène des recherches sur Internet pour faire une présentation devant sa classe. Cette habitude a débuté après un voyage en Grèce, où elle s'était passionnée pour la mythologie. En Tanzanie, elle a glané des informations sur les traditions masaïs, par exemple la fabrication des maisons à base de bouse de vache séchée. Pour maintenir vivace la magie des safaris, nous regardons des documentaires animaliers et les dessins animés Kirikou et Le Roi Lion. Une grande nostalgie nous saisit quand nous pensons à un bébé gnou qui cherchait désespérément sa maman... Je n'aime pas acheter des souvenirs, mais au Costa Rica, nous avons craqué sur un paresseux en peluche, devenu son doudou.
— T.A. : Le contact avec les animaux compte décidément parmi les souvenirs « fortissimo » !
M-J.G. : Oui. Une nuit sous la tente, dans la savane du parc du Serengeti, restera inoubliable : un buffle nous soufflait presque sur le cou à travers la toile ! J'hésitais entre hurler et ne pas broncher et, en bonne mère réconfortante, j'ai choisi la deuxième option. Il y a aussi le contact avec la nature. Je me souviens d'éclats de rire lors de la traversée d'un pont suspendu sous une pluie tropicale, dans la forêt costaricaine, les volcans en arrière-plan...
— T.A. : Vous pensez avoir transmis le virus du voyage à votre fille ?
M-J.G. : Un jour, en la voyant écarquiller les yeux quelque part sur les routes de France alors qu'elle n'avait pas 3 ans, j'ai compris que j'avais déjà accompli une partie de ma mission. Il me reste à continuer à attiser sa curiosité et à garder intacte sa capacité d'émerveillement, quand voir du pays va de soi. Mon moteur pour garder le bon tempo : que Maya devienne une citoyenne plus consciente de sa chance et des limites de sa propre culture, ouverte au monde.