Le paradis caché des ours bruns
Au nord de l’Espagne, dans les Asturies, se cache un joyau de biodiversité où l’ours brun vit en harmonie avec les hommes : le parc de Somiedo. En août, Béatrice Mollaret, guide de montagne passionnée par la faune, y accompagnera un groupe de randonneurs pour une semaine hors du temps. Interview.
En quoi l'environnement dans lequel se déroule le séjour, en l'occurrence le parc naturel de Somiedo, est-il exceptionnel ?
Je pense que tout le monde a l'idée de l'Espagne aride, comme en Andalousie, et peu de gens soupçonnent que dans le nord, en Galice et dans les Asturies, le paysage se compose de montagnes vertes et arrosées. C'est la cordillère Cantabrique, extrêmement sauvage qui, par bien des aspects, rappelle l'Écosse et l'Irlande, avec des murets en pierres sèches, des ambiances de brouillard, du vent et de la fraîcheur. La première fois que j'y suis allée, je ne savais même pas que ça existait, et encore moins qu'on pouvait y voir des ours très facilement, des loups et toute une faune exceptionnelle.
Les Asturies sont une région rurale et montagneuse au climat océanique, où la vie sauvage côtoie hommes et troupeaux. Quelles espèces y rencontre-t-on ?
Ici, beaucoup d'habitants sont des éleveurs bovins. C'est une zone très riche de biodiversité, bien protégée, où on peut apercevoir une faune propre à la montagne. Beaucoup d'isards, qu'on croise tous les jours, mais aussi des cerfs, des biches, des renards, des reptiles et une flore incroyable. Au sommet des plus belles rencontres, on trouve les plus emblématiques : les loups cantabriques, qui se montrent rarement, et les ours bruns, qu'on peut être absolument certains d'observer. Pendant le voyage, on effectue trois séances d'observation et, en général, on en voit deux fois sur trois. En une semaine, il m'arrive d'en voir parfois une dizaine ! Ce séjour est aussi dédié à l'initiation à l'ornithologie, ma première passion. La dernière fois, on a pu observer 62 espèces différentes : grands rapaces, circaètes Jean-le-Blanc, aigles, vautours et toutes sortes de petits oiseaux.
Pouvez-vous nous partager un moment qui vous a particulièrement marqué ?
Le plus marquant c'est la toute première fois qu'on voit un ours brun. Dans mon cas, c'était une mère avec ses deux oursons qui jouaient à se rouler par terre. Il était 10h du matin, j'ai sorti mes jumelles et j'ai eu une chance inouïe parce que deux loups passaient en même temps sur la crête derrière. C'était magique ! D'ailleurs le film Ours, simplement sauvage (2019) de Vincent Munier et Laurent Joffrion, a été tourné à Somiedo. L'avantage ici c'est que les ours accèdent à des zones de protection totale où l'homme est interdit. Ce sont souvent des vallées très escarpées et encaissées, alors on les observe depuis les vallées d'en face.
Pendant le voyage, des guides locaux interviennent régulièrement. C'est leur habitude du terrain qui permet de maximiser les chances d'observation ?
Effectivement, on est avec une équipe de guides naturalistes. Pour moi, ce n'était pas imaginable de ne pas les intégrer dans ce projet. C'est un échange avec les locaux, la langue, leurs connaissances, et leurs anecdotes sur la population d'ours qu'ils suivent depuis la création du parc. C'est intéressant de pouvoir leur poser des questions sur les mœurs des ours, sur les dernières histoires qui se sont passées dans la vallée ou sur les oursons nés récemment. Ils savent parfaitement où les trouver. D'ailleurs, l'ours est devenu un emblème ici et la relation avec les humains est excellente. La mesure de protection dans le massif Cantabrique a commencé dans les années 1970 et leur population est passée de 80 à 340 individus. Dans le parc de Somiedo, on estime la population à une soixantaine d'individus.
Quels sont les autres temps forts ou moments marquants de ce voyage dans les Asturies ?
Avant tout, c'est un circuit de randonnée où on chemine dans le royaume des animaux. On passe donc du temps à chercher des indices : des crottes de loup, des empreintes, des poils, des restes de repas... Au milieu des forêts denses de hêtres et de châtaigniers, ça contribue à l'ambiance mystérieuse de la région. C'est une immersion permanente dans une nature sauvage où l'homme est anecdotique d'une certaine façon.
D'un point de vue plus pratique, quelles sont les conditions de ce voyage et à quoi faut-il se préparer ?
Il faut être bon marcheur en montagne, parce qu'on passe par des petits sentiers, avec du dénivelé, des rochers, des crêtes ; il faut aussi être prêt à faire face à une météo changeante. C'est un vrai trek, les journées de marche sont longues, c'est important de l'avoir à l'esprit.
Côté matériel, quels sont les indispensables pour observer les animaux ?
La base c'est d'avoir une bonne paire de jumelles parce qu'on les utilise très souvent. Les guides locaux nous prêtent du matériel optique très performant. Pour les photos, on reste assez éloignés pour ne pas perturber les animaux, et c'est assez compliqué de les photographier. Sur le plan de la randonnée, il faut être équipé pour tous les temps et surtout pour la douche écossaise !
Que diriez-vous à des personnes qui hésitent à se joindre à vous ?
C'est un voyage dans une région sauvage qu'on ne soupçonne pas, à quelques heures de la France. En plus, on peut venir en train jusqu'à la frontière espagnole. Ce séjour est très dépaysant, la plupart des gens reviennent enchantés. C'est la nature sauvage devant notre porte.
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