Incursion extraordinaire en Antarctique
À bord du navire d’expédition Plancius, Jad de Terres d’Aventure Canada, et Catherine Lefebvre, nous emmènent dans le voyage d’une vie, à travers les merveilles plus grandes que nature que nous réserve le continent blanc. Un reportage à retrouver dans le numéro 7 du magazine TERRE.
Au moment de quitter Ushuaïa en Terre de Feu, j'ai déjà l'impression d'être au bout du monde. Et voilà que nous avançons doucement vers un tout autre univers. Une fois sortis du canal Beagle, nous affrontons le mythique et imprévisible passage de Drake. Comme par miracle, il est calme. Depuis le pont, le bleu de l'océan devient marin. Des oiseaux nous suivent, mais je n'en reconnais aucun. Dès la première conférence, le guide d'expédition, Regis Perdriat, nous présente justement les oiseaux spécifiques à cette région. Puis tout à coup, après deux jours en mer, j'aperçois le premier iceberg de ma vie. L'horizon s'esquisse derrière lui. De forme tabulaire, il brille au loin. Il est majestueux.
Nous entrons dans le détroit de Gerlache, d'abord connu sous le nom de Belgica, en l'honneur du bateau de l'expédition antarctique belge, menée sous la direction d'Adrien de Gerlache de Gomery qui s'y aventura en janvier 1898. De là, nous rejoignons notre première destination en Antarctique, l'île de Danco.
Perdre ses repères
Pour leur plus grand bonheur, tous les passagers ont la possibilité de sortir du bateau, étant donné qu'ils ne dépassent pas le nombre maximal permis par embarcation par l'IAATO (l'association internationale des tour-operators voyageant en Antarctique). La première sortie en zodiac nous emmène sur la neige ferme. En y posant les pieds, je ressens une sorte de vertige en regardant autour de moi. Tout est nouveau et spectaculaire : les nuances de bleu qui teintent les icebergs, l'étourdissante et omniprésente blancheur, le simple fait d'apprendre que la glace fait deux kilomètres d'épaisseur...
Visiblement, il n'y a rien à l'échelle humaine, ici. Même la faune est hors du commun.
Tout juste derrière nous, des manchots papous se baladent. La guide d'expédition, Céline, explique qu'ils ne craignent pas les humains, puisque ceux-ci ne représentent pas une menace pour les oiseaux. Leurs prédateurs sont plutôt les orques et les léopards de mer. Heureusement pour nous, il n'y a pas non plus de prédateurs nous visant, sur le continent. Tous les jours, j'en profite pour marcher seul avec mon appareil photo, afin d'immortaliser ce rêve et de capter le surréalisme du voyage.
Comme nulle part ailleurs
En raison des aléas météorologiques, nous rejoignons Port Lockroy à notre deuxième tentative seulement. Située sur l'île Goudier, découverte lors des expéditions de JeanBaptiste Charcot en 1903 et en 1905, une base militaire des forces armées britanniques y est érigée en 1944. Surnommée la « base A », elle a pour but de monitorer les activités allemandes à l'époque. Aujourd'hui, elle fait partie des sites historiques et monuments inclus dans le traité de l'Antarctique, signé en 1959. Le bâtiment sert désormais de musée, de boutiquesouvenir et de bureau de poste. Sans surprise, nous avons tous pris soin d'envoyer une carte postale à nos proches depuis le sud du sud !
C'est sur l'île Déception – une immense caldera effondrée sur elle-même —, située dans l'archipel des îles Shetland, que je me sens sur une autre planète. Je n'ai jamais vu de tels paysages ailleurs dans le monde. On dirait un panorama en noir et blanc, tellement le roc est de couleur foncée. Profondément ému d'être ici, je souris béatement et j'embrasse l'horizon, les yeux grands ouverts. Quel bonheur de profiter pleinement de ces formidables moments de solitude, puis de les partager avec les membres de l'équipage et les autres passagers à bord, le soir venu ! Il y a aussi des sorties de groupe, auxquelles je prends part avec autant de plaisir que les randos en solo.
Le retour à la réalité
Nous nous éloignons de l'Antarctique les yeux brillants et le cœur rempli de joie d'avoir pu témoigner de cet endroit extraordinaire. Seul territoire neutre de la planète, l'Antarctique n'appartient à personne. Mais il continue de fasciner les scientifiques qui peuvent l'explorer, l'étudier et l'admirer, selon le cadre juridique établi dans le traité de l'Antarctique. Quant aux aventuriers et voyageurs, ils sont bien conscients de la fragilité de ce continent. Nos guides d'expédition, aux spécialités diverses, approfondissent nos connaissances à ce sujet tout au long du séjour, de sorte que nous demeurions vigilants et que nous ne laissions aucune trace.
Sur le chemin maritime du retour, le passage de Drake est particulièrement agité. Comme s'il voulait nous rappeler que l'endroit que nous venons de découvrir est précieux. C'est peut-être aussi la façon qu'a dame Nature de le protéger.