Festival de la Montagne de Cristal : rendez-vous 12 ans après
Isolé au cœur du Haut Dolpo au Népal, le festival de la Montagne de Cristal, le Shey Ribo Druk Dra, n’a lieu que tous les 12 ans. Un moment hors du temps où traditions populaires et rituels bouddhistes atteignent leur paroxysme. Un groupe Terres d’Aventure s’y rendra en 2024.
C’est l’un des festivals les plus rares du monde, celui qu’aucun Dolpo-pa ne peut rater. Il n’a lieu que tous les 12 ans, les années du Dragon, selon le calendrier lunaire. Shey Ribo Druk Dra, dit “festival de la Montagne de Cristal”, se déroule à Shey, dans le Haut Dolpo, au Népal. En 2024, un petit groupe de voyageurs aura le privilège de s’y rendre avec Terres d’Aventure et Igor Klimenko, spécialiste du monde himalayen.
“Les communautés traditionnelles de l’Himalaya vivent sur un temps cyclique et non linéaire. Chaque fête annuelle est une renaissance. Là nous sommes sur un cycle de 12 ans. C’est la fête la plus auspicieuse, la plus importante. C'est très fort, il y a une énergie absolument dingue”, explique Igor Klimenko. Pour y accéder, il faut s’armer de patience et persévérance. Et pour cause : le Haut Dolpo est une région extrêmement enclavée. Pour atteindre le monastère de Shey, niché à 4 300 mètres d’altitude, il faut plusieurs jours de marche en altitude.
Hors du temps
Présente au festival en 2012, Agnès, cliente Terres d’Aventure, se souvient : “On avance au pas du yak. Ce qui est extraordinaire dans ce voyage, c’est la progression en altitude à travers des paysages magnifiques.” Depuis la piste du petit aérodrome de Juphal, il faut rejoindre Dunaï, le point de départ du trek à 2150 mètres d’altitude. C’est le centre administratif le plus important du Dolpo. Le chemin s’élève ensuite à travers tous les étages de la végétation : des rizières et des forêts avant d’arriver dans des endroits plus minéraux.
L'eau est omniprésente. Les sentiers empruntés longent des rivières, des torrents tumultueux et des lacs aux eaux turquoise. “Au lac de Phoksundo, nous avons bivouaqué près du déversoir. L’ambiance est magique. C’est un lieu qui parle à tous ceux qui ont vu Himalaya l’enfance d’un chef. Au petit monastère sur les rives, je me souviens d’une rencontre avec un vieux monsieur”, se remémore Agnès, 55 ans. Il leur raconte des histoires et leur montre des masques anciens. “C’était hors du temps !”
Trois jours de marche sont déjà passés. Depuis le lac, il faut encore trois jours pour atteindre le Festival, à 4280 mètres d’altitude. La bascule s’effectue au col du Kang La, à 5240 mètres d’altitude, frontière du Haut Dolpo.
L'école des anciens
Dans cette forteresse naturelle, la modernité s’immisce petit à petit mais les légendes et les traditions restent vives. Shey est un lieu important de la tradition érémétique du nord Dolpo (NDLR, c’est l’ensemble des traditions relatives à la vie des ermites). Les montagnes environnantes abritent de nombreuses grottes où les moines viennent en retraite depuis des centaines d’années. Igor explique : “Selon la légende, le célèbre lama Drutob Senge Yeshe serait arrivé sur le dos d’un léopard volant. C’est ce qui est génial, dans le monde tibétain et, par extension, dans le monde indien en général : la frontière entre légende et histoire n’est pas très claire.” Par sa situation reculée, loin de Lhassa, le Haut Dolpo est une des poches de survivance du bouddhisme tibétain, qui a été quasiment éradiqué du plateau à une certaine période de l’histoire.
Pour comprendre le Festival, il faut se replonger un peu dans l’histoire du bouddhisme. Le bouddhisme tibétain a été créé par Guru Rinpoché, dit Padmasambhava. C’est lui le fondateur de l’école Nyingmapa, l’école des anciens, la première école, entre le VIIIe et IXe siècle. “Avant son arrivée, c’était une terre de féodalisme où l’unique religion était le bön, bien différente du bouddhisme. Toute l’aristocratie du Tibet était de confession bön”, explique Igor Klimenko. Le bouddhisme est alors une religion révolutionnaire étrangère qui subit une opposition féroce dans les premiers temps, en particulier parmi les communautés monastiques.
Moines virevoltants
Pendant le Festival, lors des chams, les moines s’appliquent justement à rejouer “toute la mythologie du bouddhisme tibétain, toutes les grandes batailles de Padmasambhava contre les forces obscures pour établir et pacifier le Tibet”. Ce sont des danses très théâtrales et spectaculaires. “Les moines virevoltent pendant des heures avec des masques très lourds et des costumes complets et colorés. Certains sont presque menés à la transe ou dans un état de conscience altérée”, décrit Igor.
“Avant ces rites, ils se sont entraînés pendant plusieurs mois en pratiquant la retraite, la réclusion et la méditation”, ajoute-t-il. Un certain nombre de rituels religieux ont lieu dans le monastère où les touristes ne peuvent pas pénétrer.
En parallèle, les journées sont rythmées par des courses de chevaux, des concours de tir à l’arc, des chants... Daniel, 75 ans, était lui aussi présent en 2012 avec le groupe Terres d’Aventure : “Les cavaliers, vêtus de peaux de bêtes, montent à cru, sans selle, et font courir les chevaux le plus vite possible en faisant des allers-retours. C’est impressionnant. Mais ce qui m’a le plus marqué, c’est la ferveur des gens qui viennent là, parfois de très loin. Ça prend aux tripes.” Des familles entières se déplacent. Tous arrivent à pied, parfois après une dizaine de jours de marche. Plusieurs milliers de pèlerins sont présents bien que leur nombre exact ne soit pas connu. La plupart n’auront l’occasion de participer que 4 ou 5 fois dans leur vie à ce Festival.
Dimension populaire
Pour notre spécialiste du monde himalayen, la meilleure manière de l’aborder, “c’est d’accepter qu’il y ait des aléas dans le programme” et de "s’ouvrir à tout ce qu’il se passe autour de nous pendant 4 jours”. Shey Ribo Druk Dra revêt une dimension populaire et festive au-delà de ses dimensions spirituelles et symboliques. “À travers les rencontres, on essaye de comprendre ce qui lie les populations locales à cette tradition, à cette religion. C’est une manière de vivre, d’être et de se comporter dans le monde”, explique Igor.
Vient l’heure de redescendre. Onze nouvelles journées de marche attendent le groupe, en les menant par de nombreuses vallées, des cols d’altitude et des villages. Les dernières étapes s’étalent sur une zone de transition entre la culture tibétaine et la culture népalaise. Agnès et Daniel s’accordent à dire que c’est un voyage engagé physiquement, mais “pour celui qui aime la montagne, c’est vraiment sublime”.
Mieux vaut ne pas rater l’occasion, elle ne se représente que tous les 12 ans. “On a la chance de partager le moment le plus important de la vie d’un dolpo-pa sur les plans religieux et spirituel. Il ne s’agit pas d’adhérer mais être témoin d’un événement fondamental pour l’autre dans une pure notion d’altérité”, conclut Igor Klimenko.