4 jours, 40 km et un âne
Marcheurs depuis l’enfance dans leurs Vosges natales, Marion et François ont eu envie de partir à l’aventure avec leurs deux fils, Antonin, 9 ans, et Gaspard, 5 ans. Retrouvez leur récit dans le dernier numéro de notre magazine TERRE.
KM 0
8h. Il est temps de quitter la Nièvre, où nous résidons, pour rejoindre Pessade à 30 min de Clermont-Ferrand, en Auvergne. L’heure du rendez-vous est prévue à midi, un mardi. À peine arrivés, nous rencontrons Julien, notre ânier et Paquito, notre âne pour ces quatre jours de marche en itinérance.
Les enfants sont surexcités et si heureux de faire la connaissance de leur nouveau compagnon de route. Julien insiste sur l’importance de bien nous occuper de notre bourricot. Lui-même a son modeste sac à dos pharmacie, avec une brosse, un cure-sabots, du spray désinfectant, du protège-mouches et d’autres petites choses. Nous découvrons également que Paquito a son caractère bien à lui. Plus tard, nous nous rendrons compte qu’il craint les chevaux par exemple ou les voitures. Ce qui nous a joué quelques tours à l’approche des villes.
Mais pour l’heure, nous apprenons à positionner le bât en forme de croisillon en bois, sur lequel nous installons nos sacoches imperméables qui vont contenir tous nos bagages pendant ce périple. Premier constat : nous ne voyageons pas assez léger ! Une règle élémentaire, mais que voulez-vous, on ne se refait pas. La charge ne doit pas dépasser les 30 kg au total.
C’est le début du voyage : il nous faut nous alléger et soulager notre âne… Une unique paire de chaussures, un pantalon pour chacun. C’est bien suffisant finalement. Nous apprenons également à nous servir d’un licol, d’une longe. Bientôt, Julien nous laisse au départ du sentier, en nous montrant la balise à suivre. Une averse s’invite à la partie. Mais qu’importe.
La nature est belle et nous nous réjouissons des jours à venir, ensemble.
16h. Première étape. Nous arrivons à Orcival, un petit village de montagne à 870 mètres d’altitude. Les garçons ont vraiment bien marché malgré une pluie battante. Un dernier effort pour mener Paquito au pré, puis nous prenons le temps de nous réchauffer puis d’apprécier un bon dîner : truffade et pompe à la myrtille en dessert pour tout le monde.
KM 12
Réveil matinal. Derrière nos volets, la vue sur la basilique romane d’Orcival est magnifique. La météo est plus clémente et nos chaussures ont séché pendant la nuit. Après un bon petit déjeuner, François et Antonin filent chercher Paquito; le temps de le préparer et nous voilà repartis. Marcher avec un âne n’est pas une sinécure, la famille se relaie auprès de lui.
Il a un tempérament bien trempé. Il faut savoir lui parler, l’écouter, le pousser, le forcer parfois. Je suis surprise de voir mon fils aîné si bien le diriger, il s’entretient avec lui mieux que quiconque, avec beaucoup d’attention.
Ce séjour nous a permis d’appréhender de nouvelles facettes du caractère de nos enfants, chose assez peu envisageable au quotidien. Cette deuxième étape, la plus longue, est assez éprouvante. 17 km au total. Arrivée à Lachamps. Nous admirons le puy de Dôme au loin. Clap de fin pour cette deuxième journée.
KM 29
Nous repartons en direction d’Aydat et son magnifique lac de barrage volcanique, le plus grand d’Auvergne. Très vite et dès le début du séjour, deux équipes se sont formées : devant Paquito, François et Antonin. Derrière, Gaspard et moi. Les équipes varieront, mais la plupart du temps, je serai là pour motiver le plus petit… et l’attendre à maintes reprises. Il monte finalement assez peu sur l’âne.
Il n’en a pas envie, par empathie pour l’animal. Ainsi moi qui vis à 100 à l’heure toute l’année, je dois prendre le temps de ralentir, de marcher à son rythme. Et, ce qui aurait pu être une frustration se révèle être une pause nécessaire qui me permet de m’imprégner des paysages si doux des puys d’Auvergne. Un réel apaisement.
KM 35
Arrivée à Aydat. Dernière étape avant le retour. Il ne reste plus qu’une journée ensemble et je suis déjà nostalgique. Ce voyage est allé au-delà de nos espérances. Nous avons été totalement déconnectés de notre quotidien, de nos routines. Parce que tout nous y amène : les repères ne sont plus du tout les mêmes, les besoins sont plus simples. Le mobile se retrouve vite au fond du sac de randonnée. De toute façon, le réseau est assez maigre, et quand bien même. Prendre notre temps, c’est presque tout ce que j’espérais de ces vacances. Prendre le temps à quatre. De marcher, de rire, de discuter, de réfléchir et de nous redécouvrir, un peu aussi. Paquito, notre cher âne a offert une dimension supplémentaire à ce séjour. Nous qui pensions qu’il nous accompagnerait sagement, qu’il porterait patiemment nos bagages… Il a été le centre de nos préoccupations. Nous avons marché à son pas. Nous nous sommes inquiétés pour lui, nous prenions soin de lui parce qu’il était devenu indispensable dans ce périple. Au-delà d’une reconnexion à la nature tant attendue, nous nous sommes simplement reconnectés au vivant. Et en cela, pour mes petits citadins, ce voyage a été une révolution.