Terre, une invitation au voyage

Quel avenir pour le tourisme en Algérie ?

Hugo Blondel
Quel avenir pour le tourisme en Algérie ?

À l’occasion de la sortie de son nouvel ouvrage, L’histoire de l’Algérie : des origines à nos jours, l’historien Michel Pierre nous raconte l’histoire du tourisme dans ce pays.

"Le tourisme saharien a toujours existé en Algérie". Malgré les difficultés actuelles du pays, et les crises successives qu'il a traversé, Michel Pierre, historien et auteur, est affirmatif : le tourisme n'a jamais cessé en Algérie. Vu la grandeur du territoire, ses paysages d'une immense variété, sa culture millénaire et ses capacités économiques, le pays pourrait être une des principales destinations touristiques mondiales. Et ces affirmations trouvent des explications dans l'histoire, dès le début du XIXème siècle.

"Alger a été une destination de luxe, bien avant le développement du luxe sur la Côte d'Azur. Paru en 1848, le premier vrai guide s'intitulait "Guide du voyageur en Algérie : itinéraire du savant, de l'artiste, de l'homme du monde et du colon", alors même que la totalité du pays n'est pas contrôlée par la France, en particulier la Kabylie. À cette période, l'exotisme et l'orientalisme motivent le tourisme de la plupart des pays d'Europe. Les départs s'organisent depuis les grandes gares et grands ports français, et pas uniquement méditerranéens. Depuis La Rochelle par exemple.

© Antoine Pascal / akg-images

Des images d'Épinal

Dès le début des années 1900, on comptabilise plusieurs milliers de touristes par an. L'oasis de Biskra représente la quintessence du tourisme à cette époque. On y trouve des hôtels de luxe et toutes les commodités. "Plusieurs milliers de touristes anglais s'y sont rendus suite à la parution d'un best-seller littéraire, The garden of Allah écrit par Robert Hichens (Éd. Methuen&Co, 1904)", détaille Michel Pierre. Biskra enferme aussi un jardin exotique créé par le comte Landon de Longeville, propriétaire d'une dizaine d'hectares dans la ville. Des voyageurs célèbres y font le déplacement comme Oscar Wilde, André Gide, Karl Marx, Anatole France ou encore Henri Matisse. Le tout premier casino d'Afrique y voit le jour en 1893.

"Les dignitaires qui viennent en voyage peuvent même participer à des chasses aux faucons, des courses de chameaux et des réceptions organisées par des familles prestigieuses du sud algérien", raconte l'historien.

Le tourisme de luxe disparaît peu avant la première guerre mondiale. L'implantation maintenant solide de la France en Algérie altère la notion d'exotisme. La clientèle riche et aisée se dirige désormais vers Le Caire, en Egypte. Michel Pierre analyse : "La population touristique change et le gouvernement général français en Algérie essaye notamment de faire rester en vacances en Algérie les Européens qui retournent habituellement chez eux en métropole. Le tourisme est relancé avec des images d'Épinal qui attirent depuis toujours : les femmes voilées et le dromadaire." Rien que sur l'année 1926-1927, près de 80 paquebots accostent et plus de 50 000 touristes viennent en Algérie. En 1928, les hôtels de la compagnie Transatlantique sont au nombre de 44 dans les principales oasis du sud. Ils sont construits selon l'architecture locale. Ce sont ces codes et ces clichés qui accélèrent l'intérêt pour la destination.

Timghas, parc national du tassili N'Ajjer - ©Westend61 / Getty Images

Le virage de l'indépendance

Cette nouvelle étape et l'accélération des techniques conduisent à la création du premier guide Michelin sur l'Algérie en 1930. C'est à ce moment que la Société Algérienne des Transports Tropicaux voit le jour. "Elle illustre le cœur d'une bataille entre Peugeot et Citroën pour développer des véhicules capables de circuler dans le désert, en particulier dans le sable", reprend l'historien. On voit apparaitre des lignes de bus et camions reliant Niger à Kano au Niger en 11 jours.

C'est la ligne du Hoggar, "le rêve de tous les voyageurs d'aujourd'hui", s'amuse-t-il. Le tourisme continue de se développer, y compris pendant le début des luttes d'indépendance en 1954.

©Akg-images

Lorsque l'indépendance de l'Algérie est proclamée en 1962, une question se pose pour les premiers gouvernements : que faire de ce tourisme légué par la colonisation où les peuples locaux sont restés au second plan ? Michel Pierre répond à cette question : "Une des premières mesures du premier gouvernement consiste à nationaliser tous les hôtels. Les années suivantes, les gouvernements, et notamment celui de Houari Boumédiène, misent sur un retour du tourisme du luxe en construisant des hôtels et en essayant d'éviter le tourisme de masse comme dans les pays voisins." Cela ne fonctionne pas.

Et maintenant ?

Aujourd'hui, le gouvernement s'est fixé un objectif de 3 millions de visiteurs par an. Les chiffres officiels donnent actuellement 2 millions de touristes mais incluent tous les visiteurs d'origine algérienne qui reviennent annuellement visiter leurs familles. "En réalité, on estime le nombre des autres touristes entre 3 000 et 5000 personnes par an depuis 20 ans", note Michel Pierre.

Le tourisme saharien, lui, perdure. En particulier pour l'intérêt des paysages extraordinaires du Hoggar, du Tassili des Ajjers et pour la culture de l'art saharien. Les départs avec des tours opérateurs spécialistes de la région comme Terres d'Aventure permettent de réaliser des voyages hors des pistes, hors du temps.

Histoire de l'Algérie : Des origines à nos jours, Michel Pierre, Éd. Tallandier, 2023

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