Terre, une invitation au voyage

Itinérance ou errance ?

Eliane Patriarca
Itinérance ou errance ?

Dans notre dernier numéro du magazine TERRE consacré à l'errance, nous avons posé trois questions à Jean Corneloup, sociologue, enseignant- chercheur à l’université de Clermont- Ferrand, spécialisé dans les sports et le tourisme de nature.

TERRE : D'où vient le mot itinérance ?

Jean Corneloup : De tout temps, que ce soit pour l'exploration, le commerce ou les pèlerinages, les gens sont partis à la rencontre du monde. Mais de nouvelles manières de « se mettre en chemin » – pas seulement à pied, mais aussi à vélo, à cheval, en van, sur les rivières ou les fleuves – ont émergé, et on a cherché un mot qui permette de les regrouper. « Itinérance » est un terme générique qui englobe des activités diverses mais qui renvoie toujours à une certaine notion de liberté. Il précise une pratique qui semblait insuffisamment définie par les termes de « voyage », « aventure », « excursion » ou « trekking ». Ce vocable évoque à la fois ce qui est de l'ordre de l'itinéraire – balisé, organisé –, et d'autre part, ce qui s'apparente plutôt à l'errance, à ce qui laisse de la place à la déambulation, au vagabondage, à la rêverie, à l'imprévu, à l'imaginaire du voyageur. Il n'y a donc pas une forme d'itinérance mais des compositions multiples dans la manière de traduire la relation qu'on a avec la nature, avec les autres...

TERRE : Vous distinguez « itinérants » d' « errants » ?

J. C. : Les itinérants « classiques », comme les randonneurs, partent durant leurs vacances pour se ressourcer, recharger leurs batteries. C'est un aparté, une mise au vert, avant de retourner à leur vie quotidienne, avec un bienêtre amplifié. Mais dans le grand mouvement de l'itinérance, il y a aussi de plus en plus de voyageurs qui partent au long cours. Non pas, comme dans les années 70, des marginaux ou des hippies, mais des personnes « ordinaires » : seniors, femmes seules, jeunes couples avec enfants en bas âge, qui partent six mois ou deux ans. Ils aspirent à un nouveau mode de vie qui bouscule leur rapport au vivant, au quotidien.

TERRE : L'errance serait donc un chemin vers la transition écologique ?

J. C. : Si on veut bousculer le monde, il faut être dans l'errance, en effet. Car celle-ci nous invite à changer nos modes d'existence et à nous engager sur la voie de la transition aujourd'hui nécessaire. À travers la gestion de l'imprévu, l'errance incite à la créativité, à être ouvert à l'autre, à changer son chemin mais aussi son rapport au corps, à l'environnement physique et humain, à s'adapter en permanence. Au retour chez soi, on peut alors apporter une contribution singulière à son milieu de vie.

À lire : La Montagne récréative : une transition en chemin, Jean Corneloup, éd. Presses universitaires de Grenoble, 2023.

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