Terre, une invitation au voyage

Quand le voyage expérientiel mène à l’inoubliable

Hugo Blondel
Quand le voyage expérientiel mène à l’inoubliable

Pourquoi placer l’expérience au cœur de nos voyages ? Dans le cadre d’un dossier sur le renouveau des expériences touristiques dans la revue « ESPACES, tourisme et loisirs », nous avons été sollicités pour raconter ce qui anime Terres d’Aventure au quotidien.

Lionel Habasque, président-directeur général, et Éric Balian, directeur général, expliquent comment les émotions, la marche, et la connexion avec la nature peuvent faire d’un voyage, un souvenir inoubliable. 

« Pourquoi se contenter de cinq étoiles quand on vous en offre des millions ? » Issue d'une campagne de presse de Terres d'Aventure en 1998, cette citation résume l'esprit qui nous anime depuis 1976 : défricher les chemins de l'aventure en proposant des expériences qui transforment les voyageurs. Faire du voyage une expérience physique et psychique qui deviendra un souvenir impérissable. Oui, le sable vous servira de matelas ; oui, la danse des étoiles dans le ciel vous bercera. À pied, à vélo ou à la voile, les grands espaces sont notre terrain de jeu favori.

Née dans le Hoggar algérien, Terres d'Aventure a été fondée par Hervé Derain et Daniel Popp, deux passionnés de voyage à pied. Les premiers clients que nous avons emmenés sur le terrain entrent à 100 % dans la case « explorateurs ». À l'époque, il fallait faire face à l'imprévu dans des conditions parfois sommaires. En une quarantaine d'années, les choses ont évolué. Sous réserve d'un minimum de volonté et de préparation, l'aventure n'est plus seulement réservée à une poignée de baroudeurs initiés en quête de sensations. Nos clients sont acteurs de leur voyage.

Randonnée au Pays Basque © P. Saint-Jean

Des voyages itinérants, débranchés et vivants

Les voyages dans le désert en sont une bonne illustration. Rien que l'arrivée en charter à Atar, en Mauritanie, sur cette piste esseulée au milieu de nulle part, relève de l'expérience unique. Pendant une ou deux semaines, nos clients parcourent à pied une quinzaine de kilomètres quotidiens, dorment à la belle étoile, savourent le pain cuit dans le sable, ressentent la chaleur écrasante de l'Adrar, vivent au rythme des Maures qu'ils rencontrent et apprennent à se délecter de l'ombre offerte par un acacia solitaire. Chaque année, 5 000 personnes prennent part à un voyage en milieu désertique.

« Sans internet, en plein milieu du désert, à dormir dehors, avec un seul seau pour se laver, on revient à des fonctions de base. C'est une expérience de vie. Pour tous les clients que je connais qui sont partis dans ces conditions, cela relève de l'extraordinaire », témoigne Lionel Habasque, président-directeur général de Terres d'Aventure.

En leur permettant de vivre ce qu'ils ne vivraient pas sans nous, nous leur donnons les clefs pour redéfinir les frontières de leur pensée. En apportant leur expertise, en maîtrisant les points logistiques comme la nourriture, l'hébergement et les transferts, ou encore en partageant leurs connaissances, nos guides et équipes locales forment la clef de voûte de ces expériences. La magie s'opère dans ces infimes détails et dans les émotions que peut éprouver un être humain à mille lieues de son standard de vie quotidien. Les nomades expriment avec justesse ce rapport au temps : « Vous avez la montre et nous avons le temps », dit le proverbe.

Muletier au campement de Pongunagu, Ladakh © Thomas Callens

La société accélère ? Ralentissons !

Prendre part à un périple de cet acabit, c'est l'assurance de débrancher, de respirer, de se reconnecter à soi. Mais est-ce une garantie de vivre plus fort, de revenir transformé ? Pourquoi les gens se lancent-ils dans un voyage dans de grands espaces où il n'y a fondamentalement « rien à faire », mais ne s'ennuient pas ? Post-Covid, le besoin de ralentir et les enjeux du dérèglement climatique ont poussé les citoyens à repenser leur façon de voyager.

« L'accélération globale de nos rythmes de vie impose en contrepied un ralentissement. Au moment où tout est de plus en plus virtuel, beaucoup sont ceux qui réclament davantage de réel. Dans une société toujours plus individualiste, il y a une volonté de partager quelque chose avec les autres. Depuis toujours, on répond à l'accélération par le ralentissement du moyen de déplacement », décrypte Éric Balian, directeur général de Terres d'Aventure. Pérégriner à pied ou à vélo permet d'accéder à des endroits où peu de personnes vont et permet, en plus, de limiter son empreinte carbone.

Le voyage expérientiel peut résulter du choix de voyager moins loin, mais tout aussi intensément. Avec plus de 1 500 voyages, notre offre s'étend autour du monde, dont environ 30 % en France et en Europe. Cette demande ne cesse de progresser. Les équipes qui conçoivent nos voyages mettent en place des circuits à quelques encablures de train de Paris et des grandes villes régionales, accompagnés par un guide ou en autonomie, le plus souvent avec un portage de bagages. De la simple balade en Bretagne au trek engagé de la Grande Traversée des Alpes (GR5), chacun peut trouver une expérience à son pied, y compris les familles. Dans les Pyrénées, par exemple, les enfants dès six ans découvrent la vie de trappeur, en bivouaquant en forêt, en apprenant les rudiments de la vie sauvage. Autour du mont Blanc ou dans le Queyras, les familles randonnent accompagnées d'un âne. Près de 8 000 personnes participent à ces voyages organisés autour des enfants, chaque année.

Accompagner la prochaine génération de voyageurs est un enjeu pour l'entreprise, et ce n'est pas la seule. Les voyages à vélo et en train continuent de répondre aux attentes profondes d'une société en quête de pratiques plus « slow ».

Nos équipes développent des itinéraires en ce sens. Avec toute l'assistance nécessaire et une logistique allégée, nos clients peuvent parcourir de nombreuses régions de France et d'Europe à vélo. De la Loire en VTC aux montagnes du Jura en VTT en passant par les Pays-Bas et le Portugal, les expériences de voyage sont différentes et pérennisent des pratiques plus respectueuses de l'environnement. Dans cette même veine, l'identification claire des voyages accessibles en train permet à chacun de faire des choix en fonction de ses convictions. C'est un enjeu économique de poids pour les années à venir. Déjà aujourd'hui, plus de 30 % de nos clients se rendent sur leur lieu de voyage en train.

Randonnée à Hornsund, Burgerbukta, Spitzberg© Gwennaëlle Wit

La recette Terres d'Aventure

Pour vivre pleinement une expérience de voyage, il faut être mis dans les conditions du voyage. Le voyageur doit savoir avant de partir comment il se sentira physiquement, dans quelle temporalité il se trouvera, avec qui et dans quel environnement. Nos conseillers, en agence et à distance, mettent leurs expériences au service de nos clients. Ensuite, l'expérience collective prend le relais. La rencontre avec les autres voyageurs, avec les populations locales et même les animaux, est une autre voie de transformation ; la rencontre avec soi également. De nombreux écrivains en ont fait le récit : Henri David Thoreau, David Le Breton, Bernard Ollivier ou encore Sylvain Tesson. Au cœur de leurs écrits, c'est la mise en mouvement qui parachève l'expérience.

Nous proposons un format unique en ce sens : un voyage avec du rythme. En itinérance, parfois en immersion, le mouvement revient comme moteur de nos expériences.

On se lève le matin, on chemine, on marque une pause pour se restaurer, puis on repart pour l'après-midi, visiter, rencontrer ou cheminer encore, avant d'atteindre notre point de chute du soir, qu'il s'agisse d'un refuge, d'une tente, d'une pension ou d'une chambre chez l'habitant. Tout au long de cette journée, on se sera investi physiquement pour atteindre des lieux que l'on n'aurait pas vus autrement. Pour Éric Balian, il faut accepter et rechercher une forme d'effort et de lâcher-prise : « Nous avons le goût de l'effort et nous voulons le partager avec nos clients ». Il cite l'exemple des calanques de Marseille et de Cassis : « On parle beaucoup de surtourisme dans les calanques. Je peux vous garantir, pour l'avoir fait de nombreuses fois, qu'en y allant à cinq heures du matin, il n'y a personne et l'expérience est incroyable. Le lever de soleil est magnifique, on est seul, il fait frais. À dix heures, quand tout le monde arrive, on s'en va. » Mais l'effort est-il la seule clef de réussite ?

Randonnée sur les hauteurs de Collioure, France © Mabrouk Hamrit

Faire un pas de côté

Accepter de ne pas cocher une liste, d'aller dans des endroits plus difficiles d'accès, parfois de dormir dans des hébergements plus spartiates, c'est la contrepartie d'une expérience unique. Notre offre doit réussir à combiner une expérience vécue à 100 % et les attentes des voyageurs. C'est le cas à Pétra, en Jordanie, où les équipes bédouines organisent la visite à contresens du flux de touristes et à des horaires moins fréquentés. Il suffit parfois d'un pas de côté pour redonner à un lieu mythique ses lettres de noblesse. Les médias et les réseaux sociaux pèsent lourd sur cette considération. Aller au Pérou sans aller au Machu Picchu ? Cela semble impensable !

« C'est difficile de convaincre les gens d'aller dans une destination sans les best-of. Même si on passe par quelques lieux incontournables et fréquentés, on essaye de faire découvrir à nos clients des endroits tout aussi exceptionnels et bien moins fréquentés. C'est la contrepartie », précise le directeur général.

Dans un style plus engagé, nos clients peuvent aussi s'embarquer dans un voyage expérientiel conditionné par un but à atteindre. C'est le cas notamment des ascensions en haute montagne, comme sur le Kilimandjaro en Tanzanie, ou des expéditions en milieu polaire. Lionel Habasque cite en particulier l'exemple de l'ascension du pic Lénine au Kirghizistan (7 134 mètres) qu'il a tentée : « C'était une découverte de la très haute montagne, en milieu hostile, avec de l'engagement physique. Et finalement, à 300 mètres du sommet, nous n'avons pas pu aller au bout à cause des conditions climatiques. Dans ce cas, l'expérience c'est aussi le renoncement. Il faut l'accepter. »

En pirogue au Botswana © Hugo Raji

Là encore, la connaissance et le professionnalisme des guides et des équipes encadrantes garantissent non seulement la sécurité de tous, mais aussi une expérience optimale, quelle qu'en soit l'issue. Sur la globalité de notre offre, 150 voyages nécessitent une préparation physique spécifique, car ils impliquent un engagement physique des participants. Pour paraphraser l'écrivain voyageur Jack London, « l'expérience ce n'est pas l'objectif, c'est le moyen de l'atteindre », précise Éric Balian, en se rappelant sa montée du Stromboli en famille. « C'est une épreuve assez difficile avec de jeunes enfants. Il fait chaud, le dénivelé est important. Mais l'environnement est magnifique, le sol gronde, il y a une excitation collective qui se crée et on arrive en haut avec un spectacle incroyable de beauté. Tout ce qui semblait difficile devient simple », décrit-il.

C'est le même type de ressenti que l'on retrouve lors des grandes traversées ou des pèlerinages. Le milieu isolé favorise la rencontre sincère. En particulier lorsque le voyageur se trouve confronté à une forme de solitude. Après une étape de trente kilomètres en milieu isolé, en parfait silence, tout être humain ressent généralement le besoin de parler et, mieux encore, de prendre le temps d'un véritable échange.

Et le voyage virtuel ?

Tant qu'il n'existera pas une technologie aboutie de capteurs permettant de sentir, de ressentir, les deux dirigeants sont d'accord : « On ne pourra pas remplacer l'expérience telle que Terres d'Aventure la propose. Plus le voyage virtuel va progresser, plus nous aurons une raison d'être. » Il suffit d'aller sur des lieux prisés pour s'en rendre compte : la digitalisation est un accélérateur de surtourisme. De plus en plus de personnes s'inspirent de sites partagés sur les réseaux sociaux pour construire leurs itinéraires de vacances. C'est l'effet boule de neige avec toujours plus de monde, jusqu'à ce que les autorités locales imposent des régulations, quotas ou même interdictions. Le voyageur qui revient sur un site où les perches à selfies sont légion après avoir passé quelques jours dans la nature en prend toute la mesure.

Qu'il s'agisse d'une longue croisière sur un vieux gréement en Antarctique, d'une traversée du Massif central à vélo ou d'une immersion chez les ethnies du nord du Vietnam, le voyage expérientiel a de beaux jours devant lui. Nous sommes aux avant-postes et continuons depuis près de cinquante ans à défricher les horizons des voyageurs en quête de sens.

Sur la calotte polaire du Groenland © Sandro d'Aloïa

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