Terre, une invitation au voyage

Faire cordée pour atteindre DYE-2

Hugo Blondel
Faire cordée pour atteindre DYE-2

Traverser la calotte polaire du Groenland pour rejoindre un vestige de la guerre froide. C’est l’expédition qu’accompagnera Benoît Profit, guide de haute montagne, au printemps prochain. Une aventure en milieu extrême où le collectif revêt une importance capitale pour atteindre l’objectif.

La calotte polaire du Groenland est un milieu polaire dans lequel on ne s'aventure pas au gré du hasard. Sur ce territoire d'exploration des plus grands aventuriers, les vastes étendues blanches font rêver tous ceux qui recherchent un défi hors du commun. Pendant une douzaine de jours, une poignée de téméraires va parcourir ces contrées glacées en skis au départ de Kangerlussuaq, sur la côte est, avec pour objectif la station radar DYE-2, un vestige représentatif des absurdités de la guerre froide.

Seulement, la station est loin d'être le seul but. Pour Benoît Profit, qui encadrera ce séjour, « DYE 2 n'est que la cerise sur le gâteau. Le plus important durant ce voyage sera le sens que l'on y mettra. » Ce guide de haute montagne accompagne depuis 32 ans des séjours de marche, d'escalade et d'alpinisme dans une démarche méditative, de pleine conscience, au service de soi et des autres. Benoît assume une posture à contre-courant des enjeux de performance liés aux expéditions sportives en milieu extrême. Au contraire, sa philosophie et ses méthodes l'ont plus souvent mené au succès qu'à l'échec.

Aventure humaniste

Comment faire cordée pour réussir à vivre ensemble une aventure dans un milieu extrême ? Que mettre en place pour que cette relation soit pérenne ? « Chacun des membres de l'équipe doit prendre conscience qu'il est lui-même un guide à part entière et qu'il est en mesure de prendre soin de lui pour prendre soin des autres », explique cet habitué des environnements difficiles. Pour lui, au-delà d'une expérience minimum requise pour prendre part au voyage, la clef du bon fonctionnement est émotionnelle.

Les journées peuvent être longues sur la calotte polaire©Alex Hibbert/Getty

Dans un environnement où le climat est rude, où les nerfs peuvent être mis à rude épreuve et où il faut s'adapter en permanence, « il faut être en mesure d'accueillir sa part de vulnérabilité, ses émotions et ses peurs ». En apprenant à les gérer par des exercices de méditation, de respiration, de sophrologie, il est possible de faire « baisser le curseur émotionnel » dans les situations de stress, de mieux s'écouter et d'être en mesure d'aider ses compagnons d'aventure. Face au vent, au mauvais temps, pour rester attentif aux crevasses, « il faut être en confort et conserver la notion de plaisir », précise Benoît.

« Même dans l'effort, il faut rester hors de la zone rouge, être en mesure de caresser la tempête et le froid pour mieux les gérer », insiste-t-il. L'objectif demeure : vivre une aventure humaniste, collective... et atteindre DYE-2.

Avant de partir, il est fortement recommandé d'avoir déjà pris part à un ou deux séjours en milieu polaire. Avoir des notions pratiques, savoir utiliser un réchaud, connaître le froid, tirer une pulka... et s'entraîner physiquement sont quelques-uns des prérequis pour se lancer. Sur place la routine s'installe rapidement : le soir les pulkas sont déchargées, le camp est monté, et le plus gros travail consiste à faire fondre la neige pour boire et cuisiner. « Même si l'ours est très peu présent, en fonction de ce qu'on observe, on peut être amené à faire des tours de garde la nuit », raconte le guide. Le matin, après une nuit de repos, le groupe prend le petit-déjeuner, les pulkas sont chargées et la progression reprend vers la station.

Chaque jour il faut monter le camp le soir venu et faire fondre de la neige © Sandro d'Aloïa

De l'urbex au Groenland

Au 12e ou 13e jour, si les conditions ont été favorables et la progression suffisante, le groupe atteindra DYE-2. Avec une journée complète sur place, les participants vont découvrir ce lieu fantôme construit en 1957-1958 par les Américains dans le cadre de la Distant Early Warning Line, cette ligne de surveillance de l'espace aérien imaginée pour détecter et prévenir les lancements de missiles russes.

Sept stations jalonnent l'Atlantique Nord du Nunavut à l'Islande, dont cinq au Groenland.

Cette immense structure surmontée d'un dôme géodésique a été occupée pendant près de 30 ans pour la surveillance et les relevés météorologiques. Pourtant, deux ans à peine après leur mise en service, les stations sont déjà obsolètes. Les missiles intercontinentaux russes sont capables de frapper d'un continent à l'autre dès 1960 et les capacités soviétiques ont alors été largement surestimées.

Derrière les vitres cassées de la station, tout a été laissé en place. La cantine est encore intacte, les couverts visibles. Les appareils de mesure dans les laboratoires également. L'occasion d'un peu d'urbex au milieu du néant. Les voyageurs découvriront un illustre exemple de la folie des hommes en guerre avant de revenir vers à la civilisation, en paix. « Dans cette incroyable aventure, on va apprendre à être authentiques et intelligents comme la faune et la flore, comme la nature, être dans le vrai en permanence pour s'élever », conclut Benoît. Tenterez-vous l'aventure ?

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La station radar DYE-2 et sa silhouette fantômatique © Sandro d'Aloïa

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