En Mongolie, l’inspirant vertige horizontal
Quand certains recherchent performance et exploits verticaux en montagne, d'autres préfèrent déambuler pendant des jours entiers à l’horizontale. Direction la Mongolie, pour une marche contemplative avec Denis Chambon, concepteur de voyages passionné par l’Asie centrale.
Les hauts plateaux de l'Ouest mongol sont veinés des innombrables chaînons montagneux de l'Altaï ; orientés du nord-ouest vers le sud-est, ils trouvent leur socle en territoire russe, façonnent une frontière naturelle avec la Chine, et se déversent en cascade jusque dans le désert de Gobi.
Si les plus hauts sommets, frontaliers, offrent une ambiance haute montagne attendue et sans conteste esthétique, c'est en empruntant les chemins de traverse que l'on prend la réelle mesure de ce que la Mongolie recèle de paysages secrets et d'ambiances oniriques façonnées par le climat. Une source infinie d'inspiration.
Du lac Khurgan au sum Altaï, des monts Turgen au lac Khar Us, les hautes vallées (entre 1000 et 2000 mètres d'altitude) étalent leurs immensités nues, toujours cernées d'une dentelle de sommets. Ces sommets, qui semblent toujours lointains et insaisissables, ne manquent pas de se draper d'un habit de mystère. Il est pourtant possible de s'aventurer au cœur des massifs, où l'on s'étonne de réaliser que, loin d'être des refuges interdits aux Hommes, ils sont des terrains connus et maîtrisés par les nomades. Ces derniers vivent en harmonie avec une faune sauvage très riche, mais discrète. Les Kazakhs, Tuvas, Mongols et autres peuples sillonnent les lieux, y installent leurs camps au gré des saisons et des pâturages.
Sens aigu de l'accueil
C'est l'occasion de ralentir : rencontrer des familles, se fixer quelques jours pour découvrir un mode de vie. Les Kazakhs, présents dans l'Ouest mongol depuis le 19e siècle, cultivent leurs particularismes culturels. Musulmans et éleveurs d'aigles, nomades et chasseurs, cavaliers et pasteurs, ils conservent un sens aigu de l'accueil et parlent avec fierté de leur territoire autour d'un thé au lait salé.
À ce stade nous n'avons encore rien vu. Ces paysages que nous autres voyageurs appelons la steppe, ne sont pas la « vraie » steppe d'après les gens nous rencontrons. De toutes parts nous sommes cernés de montagnes.
Elles paraissent lointaines, mais à l'échelle du territoire d'un nomade, qui peut aller chercher ses bêtes à 50 kilomètres, elles sont juste à côté.
Descendons vers le sud-est, où l'on trouve les derniers reliefs de l'Altaï qui se déversent dans les espaces semi-arides du désert de Gobi. Le terrain s'aplatit, s'élargit, et nous entrons enfin dans les immensités. Ici, dans la région de Bayanhongor, les éleveurs de chameaux et de chèvres, producteurs du meilleur cachemire, occupent les plaines, ponctuées de lacs, mais aussi les rares massifs montagneux. Ils nous invitent sur leurs sentiers secrets, sur les plus hautes crêtes. Là, des ovoos (littéralement "talus de pierre", ce sont des cairns utilisés au sein de la culture chamanique, NDLR) signalent que les lieux sont sacrés . On y organise des naadams et l'on prie, afin de distraire les esprits de la nature et leur demander d'octroyer pluies abondantes et gras pâturages.
De ce perchoir, les immenses steppes s'étalent à nos pieds, rien ne barre l'horizon que la courbure de la Terre. La sensation est grisante. Nous y sommes : le vertige horizontal !